Kenyon Martin, le Alley-Oop au cœur
Sans faire de vagues, Kenyon Martin aka K-Mart a officialisé sa fin de carrière en NBA. PF ultra-athlétique, pas forcément le plus apprécié des années 2000, K-Mart a tout de même suffisamment marqué les esprits pour mériter de s’attarder sur sa carrière.
UN COMPÉTITEUR SOLITAIRE
De son nom complet, Kenyon Lee Martin, né le 30 décembre 1977 dans le Michigan, le jeune homme vient d’un milieu modeste où il connait les déménagements réguliers d’une mère célibataire qui cumule les emplois pour nourrir ses enfants. Il n’a pas connu son père, Paul Roby, ancien joueur de basket au Nouveau Mexique, hormis quelques minutes à 9-10…… Il atterrit à Dallas, il est dit qu’il se réfugie dans le sport pour échapper à son milieu précaire et réussit puisque Connecticut, Kansas, Kentucky ou Arizona étaient intéressés par son profil.
C’est l’Université de Cincinnati et l’assistant coach John Loyer qui le recrutent après l’avoir vu jouer en AAU en sortant avec un diplôme de son lycée en 1996. Il aura passé trois jours par semaine, de 10h30 du matin à 14h pour décrocher son sésame académique. Commentaire de son recruteur:
Kenyon est un gamin brillant. Il travaille dur et s’avère être une personne agréable.
Sa mère se veut son exemple:
J’ai voulu être un exemple pour lui. J’ai dû travailler très très dur pour subvenir aux besoins de ma famille. Il faut se sacrifier pour quelque chose, il avait cette opportunité.
Il choisit Cincinnati, qui fait un pari malgré ses challenges académiques dues à ses changements d’école; il joue pour les « Bearcats » sous la houlette de Bob Huggins. Pour l’anecdote, il décroche un diplôme en criminologie, sa sœur est limpide: « il le décrochera car il nous l’a promis ». Au basket, il devient titulaire après 14 matchs à Cincinnati tout en manquant tous les entrainements de pré-saison.
Huggins: Conceptuellement, il comprend le basket, vraiment bien. Vous lui dites quelque chose, et il est certain qu’il visualisera votre pensée et l’exécutera à la perfection.
Il ne brille pas statistiquement, il apprend en réalité beaucoup de ses coéquipiers: Danny Fortson, Ruben Patterson avec qui, selon Pete Mickael, il apprend tout des rudiments de la défense. Il passe, en 4 ans, de 92 kilos à 104 kilos de muscles, un succès physique qu’il doit à son environnement:
Je ne pense pas qu’en ayant choisi un autre programme j’aurais pu apprendre autant et devenir l’homme que je suis.
Durant son année Junior, Cincinnati atteint le bilan de 27-6, il est nominé dans la All-Conférence USA puis remporte la médaille d’or aux Jeux universitaires mondiaux, menant son équipe aux points et rebonds. Il passe de 2.8pts et 3.4rbds dans sa première année à 18.9pts, 9.7rbds, 3.5blks dans sa dernière (1999/00). Il enregistre même un triple-double contre Memphis, son second en carrière, élu logiquement Joueur de l’année au niveau national en fin de saison.
Match référence pour lui contre DePaul:
Lors du tournoi de la Conf’ USA, il se casse la jambe après trois minutes de jeu, lui enlevant toute chance de jouir de sa réussite. Il reste le All-Time leader aux blocks des Bearcats (292) ainsi qu’au pourcentage de réussite (58.6%), il verra son numéro 4 retiré le 25 avril 2000, en route pour être le #1 pick de la Draft 2000. Il parle de son image avant de faire le grand saut, notamment de sa dépense d’énergie, de ses impressions en gonflant les muscles:
Les gens diront que je suis arrogant, ils diront ceci ou cela. Je ne fais que m’amuser.
NUMBER ONE PICK
Les Nets ne sourcillent pas un seul instant à le sélectionner en tant que first pick de la Draft 2000 dans une promo quelque peu décevante. K-Mart vit une transition intéressante dans la grande ligue, il tourne à 12pts, 7.4rbds, 1.7blks par match et connait les honneurs de la All-Rookie First Team, terminant second au vote de Rookie of the Year derrière Mike Miller. Il joue dans une équipe coaché par Byron Scott, terminant à 26-56 l’année en comptant Stephon Marbury, Stephen Jackson et autres Keith Van Horn dans l’effectif.
La saison suivante, Jason Kidd fait son arrivée dans l’équipe, transformant l’équipe en Winning-Machine: 52-30 en saison et la meilleure défense de la NBA! Martin tourne à 14.9pts, 5.3rbds, 1.3st et 1.7blks, aidant allègrement son équipe à aller remporter le titre de la Conférence Est, statistiquement, c’est la meilleure saison de l’Histoire de Nets. Une équipe se forme, avec Kidd, Kerry Kittles, KVH et Richard Jefferson. New Jersey est en NBA Finals contre les Lakers de Kobe Bryant et Shaquille O’Neal, qui sweepent l’équipe d’un revers de la main.
On prend les mêmes et on recommence durant la saison 2002/03, avec une particularité, un Kenyon Martin singulièrement dans le dur en Finals. Il tourne pourtant à 16.7pts, 9.5rbds et 1.3blks, reçoit une invitation au All-Star en tant que remplaçant (17pts-7rbds-3ast dans le match). Son duel avec Tim Duncan fera couler beaucoup d’encre car l’intensité était présente des deux côtés:
Cependant, c’est bien son dernier match contre les Spurs, en Finals, que l’on retiendra, avec son piètre 3/23 au shoot; en tout cas, dans notre souvenir très vivace de cette Finale. Il connait aussi quelques déboires avec Zo Mourning; K-Mart a cru bon, durant l’entrainement, de se moquer (gentiment ou non, on ne le saura jamais) des problèmes de rein du pivot Hall of Famer, des mots qui ne sont simplement pas passés pour Zo du fait de la gravité de la situation puisque sa vie était même en jeu.
Vous savez, dans les moments d’énervement, on dit des choses qu’on regrette. Je me suis excusé de suite même si cela ne retire pas le mal que j’ai pu faire. Je me suis excusé, il a accepté mon propos et nous avons oublié ce moment.
Il atteint le pinacle de sa production stat’ lors de la saison 2003/04 (16.7pts, 9.5rbds, 1.4st, 1.1blks), il restera connu de tous les TOP 10 pour ses contres et ses Alley-Oop en haute altitude dans un jeu de transition offensif débridé, avec Kidd, Kittles et Jefferson:
DES PÉPINS PHYSIQUES
Cette ère se termine lors de son transfert aux Denver Nuggets où il est tradé contre trois futurs premiers tours de draft dans un sign-and-trade. C’est aussi le début de ses problèmes de genou, un sacerdoce pour tous les gros jumpers/dunkeurs en NBA. Il jouera 70 matchs lors de la saison 2004/05 cumulant 15.5pts et 7.3rbds, abandonnant ses coéquipiers le 16 mai 2005 pour subir une intervention pour une micro-fracture au genou gauche.
Il manquera encore 26 matchs en 2005/06 à cause d’une tendinite, tout juste de retour pour les Playoffs. Il était attendu comme un soutien indéfectible d’un Carmelo Anthony superstar, effort manqué. Il parvient, durant les Playoffs à être suspendu pour « mauvais comportement se faisant au détriment de l’équipe« . Selon le USA Today, K-Mart se plaint de son temps de jeu réduit:
George Karl: Je lui parlerai et nous verrons ce qu’il en est. Il nous a dit qu’il ne se sentait pas assez bien pour jouer à la mi-temps et maintenant on entend l’inverse….on verra.
A l’époque, il doit affronter Elton Brand, celui qui tournait à 24.7pts-10rbds-2.5blks en saison. Karl continue:
Les gens ne se rendent pas compte du danger qu’il endure en jouant contre un pareil intérieur. C’est dur de voir Marti jouer plus de 20mins à ce moment de la série, il ne participe pas beaucoup aux entrainements, il veut juste jouer les matchs en fait et ça, philosophiquement parlant, ça ne tient pas debout selon moi. C’est un gars au grand cœur, un grand compétiteur cependant.
Le 15 novembre 2006, il accepte de subir une nouvelle intervention, cette fois-ci dans son genou droit après plusieurs inflammations. C’est sa seconde opération en moins de deux ans, il reviendra en saison malgré tout, une première dans l’Histoire de la NBA:
C’est la chose la plus frustrante que je connaisse. Je n’ai aucune idée de ce qui se passe, de ce que je fais pour provoquer cela. J’ai besoin d’une patte de lapin ou d’un truc du genre, je ne sais pas quoi faire.
Pour la saison 2007/08, il rêve d’un nouveau départ et choisit de passer du numéro 6 au numéro 4, celui qu’il portait à l’université. Il continue d’être une force d’intimidation sous les panneaux en tournant sur les 4 saisons suivantes à 11pts, 7rbds, 1.1blks, 1st par match. Il joue au moins 60 matchs par saison durant ces quatre années, en étant un parfait lieutenant pour toutes les tentatives des Nuggets de construire une équipe compétitive pour Melo: la venue d’Iverson, Billups, l’alliance avec Marcus Camby puis Nênê Hilario…. Il s’en va, finalement, quand l’équipe implose avec le départ de Carmelo Anthony aux Knicks en 2010/11.
Ses qualités physiques hors-normes ainsi que son changement de mentalité en devenant un joueur plus axé sur la défense, lui ont permis de devenir un joueur constant et important lors de ses dernières saisons aux Nuggets.
DERNIÈRES PIGES
Cet été 2011 signe le deuxième grand lock-out de la NBA. K-Mart veut jouer au basket et décide de signer un contrat d’un an avec les Xinjian Flying Tigers en Chine. Il n’y jouera pas très longtemps, puisque l’équipe avance diplomatiquement que le joueur doit retourner « s’occuper d’affaires familiales », il n’a simplement pas le droit de rejouer en NBA avant la fin de saison de l’équipe chinoise, à savoir le 15 février 2012. La FIBA décide de le laisser rejouer plus tôt dans sa grande bonté (le 2). Il signe un contrat avec les Clippers, sans succès dans la rotation.
Il rebondit en rejoignant les Knicks le 21 février 2013 sur un contrat de 10 jours et étonnamment, se qualifie pour rester avec NYC en étant signé jusqu’à la fin de la saison (15 mars). Il arrive dans un environnement où Tyson Chandler, blessé, n’a pas de remplaçant valable.
Il resignera pour une saison, et sera à nouveau coupé du roster (4.3pts, 4.2rbds), lui laissant l’opportunité de rejoindre les Bucks en 2015, en étant très aminci:
Coupé par les Bucks le 19 février, il annonce sa retraite des parquets le 3 juillet. Il conclut un trip de 15 saisons entre 5 équipes différentes et en cumulant 9325pts, 51159 rebonds, 864 blocks en 757 matchs. Il restera dans les mémoires pour ses sublimes Alley-Oop avec Jason Kidd, ses contres salvateurs dans la raquette des Nuggets durant l’âge d’or des PF du la première décennie des années 2000.
Ce furent 15 années très satisfaisantes. Il y a un moment où la retraite est obligatoire, je suis prêt pour aller de l’avant. J’ai une famille dont je dois m’occuper et un fils qui doit être prêt à devenir le prochain numéro un de la draft. Je n’ai aucun regret, j’ai été satisfait par ma façon de jouer.
Pour l’anecdote, quelques souvenirs sont à noter concernant le joueur, notamment sa tirade suite à une blague de ses coéquipiers: ils ont rempli sa nouvelle voiture de popcorn, il est pris en plein choc et menace de tuer le coupable. Chauncey Billups sera là pour le calmer et dire, en interview, quelques années plus tard, que le coupable n’était autre que JR Smith! Pour les Fans de And1 Mixtape, le cousin de K-Mart n’est autre que Robert Martin aka 50.
Un Top 10 des meilleurs dunks de Kenyon pour finir sur une note plus que positive, s’impose:
PALMARÈS
- Conference USA Player of the Year (2000)
- NABC Defensive Player of the Year (2000)
- Consensus first-team All-American (2000)
- National college player of the year (2000)
- NBA All-Rookie First Team (2001)
- NBA All-Star (2004)
2 Commentaires
Le poste de PF est quand même celui présentant le plus de diversité dans les profils possibles. Entre les explosifs comme K-Mart ou Blake Griffin, les stretch comme Nowitzki et les fondamentaux comme Duncan et Randolph, on a quand même des joueurs aux qualités et potentiels incroyablement divers.
Et quand on regarde un peu le palmarès NBA de ces 15 dernières années, je peux me tromper, mais j’ai un peu l’impression que les 4 explosifs sont ceux qui ont décroché le moins de titres. Les Pistons ont dominé avec Sheed. Les Spurs avec Duncan. Les Mavs avec Nowitzki. Alors que des Stoudemire, K-Mart, Josh Smith ont eu beaucoup plus de difficultés à porter leurs équipes respectives…
Effectivement.
En même temps, ce sont les AF qui ont le moins de « skillset » à longue-durée, même si je ne mettrai pas du tout Griffin au niveau de K-Mart, le bougre est diablement plus versatile. Après, tu as des profils qui ont marché, comme celui de Garnett ou C-Webb aux Kings, tous deux très all-around tout en étant assez physiques. Le côté « complet » a toujours été plus bénéfique, Malone en parlera tant.