Adrian Dantley – Le scoreur oublié

Le 11 avril 2007, le Jazz rendait enfin hommage à Adrian Dantley. Régulièrement oublié des awards, des honneurs et des fans, cet ailier au talent offensif indéniable n’a pas obtenu la reconnaissance de l’univers NBA, probablement, à cause de son manque de palmarès.

Deux ans après son entrée au Hall of Fame, trois ans après le retrait de son maillot par le Jazz, retraçons le parcours de cette machine à panier hors du commun.

Vous ne connaissez pas Adrian Dantley ? Commencez par jeter un oeil à ses stats en carrière : 23 177 points, neuvième au moment de sa retraite (23e aujourd’hui), 54% de réussite, un des plus élevés pour un joueur qui n’était pas un intérieur, et quatre saisons à plus de 30 points de moyenne. Dantley, c’était un joueur intelligent, alliant à merveille puissance et finesse en attaque.

Morgan Wooten : « Je n’aurais jamais dû le sous-estimer»

Pour mieux cerner le personnage, commençons par une anecdote relatée par le Dallas Morning News. Lors de sa première année de lycée, lors d’un test d’histoire, Adrian fit un sans faute à un questionnaire de 100 questions, alors qu’aucun autre élève n’avait fait mieux que 80% de bonnes réponses. Le professeur, également entraineur de l’équipe de basket du lycée, le soupçonna de triche et lui fit repasser le test à l’oral, devant toute la classe. Dantley releva le défi haut la main. Morgan Wooten, le professeur en question qui raconta l’histoire au DMN, déclara en conclusion, « je n’aurais jamais dû le sous-estimer. » L’anecdote est révélatrice du caractère du joueur.

Sur le terrain, Dantley est aussi inexistant outside (7 paniers primés en carrière pour 41 tentatives) que dangereux inside, grâce à un premier pas très rapide et une intelligence de jeu hors norme. Il est un as de la psychologie. Parfois, il se fait intentionnellement contré son premier shoot pour laisser prendre confiance son vis à vis. Ensuite, il lui fait vivre un calvaire avec son arsenal de feintes. Il est aussi un fantastique dribbleur, impossible de lui piquer le ballon dans les mains.

Beaucoup disent que son style de jeu, son sens de l’observation et sa motivation extrême viennent de son enfance. A l’âge de 3 ans, ses parents ont divorcé, il est alors parti vivre avec sa mère, sa tante et un cousin, quittant Washington DC pour le Maryland. Le tout jeune Adrian devint un enfant renfermé sur lui-même, exprimant rarement ses sentiments. Sa mère déclara dans une interview, « même quand Adrian était enfant, il était imprévisible. Je me demande encore ‘comment tout ça [sa carrière] fut possible?’ Je ne sais pas, car avec lui, vous ne pouviez pas parler. » A 12 ans, il commença à jouer au basket, personne dans son entourage n’était au courant!

Lorsqu’il arrive à la DeMatha High School (à 14 ans), il avait déjà un excellent physique, 1.95m, 110 kilos, et la légende veut qu’il avait un gros cul, ce qui lui valu le surnom de « Baby Huey« . Pour tous, il était trop gros pour exceller au basket. Il prouve le contraire, menant son équipe à 57 victoires en 59 matchs durant son cursus! Dantley remporte les honneurs de l’All-America Team lors de sa dernière saison. Introverti, Dantley a trouvé dans le basket un véritable exutoire. Il s’entrainait tout le temps, « même le jour de Noël » confia Coach Wooten, précisant que la future vedette venait chez lui récupérer les clés.

Adrian Dantley : « Je ne laisserais pas un gros me pilonner comme ça »

En 1973, Adrian Dantley s’engage avec la fac de Notre Dame. Il a pris 5 centimètres, perdu 5 kilos, mais son physique n’a toujours rien à voir avec celui d’un athlète. Une nouvelle fois, il subit critiques et railleries, une nouvelle fois il met tout le monde d’accord sur le parquet. En 3 ans de NCAA, il tourne à 25.8 points de moyenne et intègre à 2 reprises dans la All-America Team. Après son année Junior, il décide de se présenter à la draft, en 1976.

Adrian Dantley à la fac

AD à la fac

Plusieurs années plus tard, dans une interview au Washington Post, Adrian Dantley s’exprime sur ses années scolaires.

Adrian Dantley : C’était toujours la même chose. ‘Comment Dantley peut il faire ce qu’il fait ? ‘ Je blaguais toujours avec les gars qui doutaient de moi ou les défenseurs. Après avoir scoré sur leurs têtes, je revenais à l’autre bout du terrain, je changeais ma voix et je disais ‘je ne laisserais pas un gros gars d’1.95m venir à l’intérieur et me pilonner comme ça’ Puis, ils se retournaient et ils voyaient que c’était moi.

L’orgueil seul, lui a probablement permis d’aller aussi loin. En 1976, il se présente à la draft, mais il n’est plus « gros », son poids est passé sous les 220 pounds (100kgs) et il s’est musclé. Il a également énormément bossé techniquement, droitier naturel, il maitrise désormais parfaitement sa main gauche. Puis, ses stats au scoring, faisaient de lui un oiseau particulièrement rare.

Il est drafté en 6e position par les Buffalo Braves (futur Los Angeles Clippers) mais avant son passage en pro, il représente son pays aux Jeux Olympiques de 1976. Sous les ordres de Dean Smith, les USA font un parcours parfait (7-0). Il est le meilleur scoreur de l’équipe, 19.3 points par match, et s’offre une pointe en finale, face à la Yougoslavie, 32 points.

Adrian Dantley rejoint les Braves et devient instantanément une star, tournant à 20.3 points à 52% et remportant le titre de rookie de l’année.

randy1Il n’est pas malheureux sur les rives du lac Erié, il souhaitait même s’inscrire dans le long terme au sein d’une franchise jeune (créée en 1971) et sans passé glorieux. Mais faire n’importe quoi était déjà à la mode de cette franchise il y a 30 ans ! John Brown, le propriétaire des Braves, était également le proprio des Kentucky Colonels, en ABA, et pour cette raison, il souhaitait un maximum de joueurs de la défunte league dans son roster. Dantley est alors transféré avec Mike Bantom aux Indiana Pacers en échange de Billy Knight (le même qui fut GM des Hawks), 26.9 points et 7.5 rebonds l’année précédente.

Adrian Dantley ne reste que quelques semaines dans l’Etat des Hoosiers, ne disputant que 23 matchs puis est envoyé aux Lakers avec Dave Robisch contre James Edwards et Earl Tatum. Il évolue alors avec Kareem Abdul-Jabbar, Jamaal Wilkes et Norm Nixon et s’affirme en seconde option offensive, 21.5 points par match. Il enchaine avec la saison 1978-79 sous le maillot des Lakers, pour 17.3 points par match. Il gagne alors une réputation de joueur dur à défendre, qui provoque des fautes et obtient des lancers. En 1979, il est le joueur qui en rentre le plus, 541 lancers (79.5% de réussite), une perf qu’il rééditera quatre fois dans sa carrière.

Mais les Lakers ont des problèmes de riche, deux SF top niveau, Dantley et Wilkes, et, dans ces conditions, il convient d’en laisser partir un. Dantley est alors tradé au Jazz avant le début de saison 1979-80 pour le PF Spencer Haywood. Il connait alors sa plus grande période de stabilité, 7 saisons sous le même maillot, où il devient le scoreur le plus monstrueux de la league. Dans le même temps, la franchise déménage de New Orleans à Salt Lake City.

Le Jazz sous sa coupe

Les fans d’Utah ne savaient alors pas quel cadeau de bienvenue leur était offert ! A.D. plante 28 points par match à 57.6% lors de sa première saison, une réussite ahurissante pour un ailier. Cette année-là, il devient All-star pour la première fois (6 sélections au total) et score 23 points. Malgré tout, il ne va pas en playoffs, et voir son ancienne équipe, les Lakers, gagner le titre grâce à un rookie (un certain Magic…) n’a pas dû le laisser insensible.

Durant six ans, Dantley fait la pluie et le beau temps chez les mormons. Il va s’imposer comme un des plus gros scoreurs des 80s. De 1980 à 1986, il plante entre 26.6 points et 30.7 points par match, dont 4 saisons au-dessus de 30 pions.

Il est le top scoreur de la league en 1981 et 1984. D’ailleurs, il établit un record lors de cette saison 1983-84, il est, dans l’histoire de la league, le joueur qui a planté 30 points par match en tentant le moins de shoot, 18.2 par match. Son intelligence dans le choix de ses tirs, sa mécanique parfaite et sa capacité à provoquer des fautes (il tente plus de 10 lancers par match à 81.3%) font de lui un scoreur hors norme avec un déchet quasi négligeable.

Preuve de la difficulté à défendre sur lui, il égale un record de Chamberlain en rentrant 28 lancers francs dans un match face aux Rockets. Pour l’anecdote, The Stilt avait réalisé cette perf le soir de ses 100 points, A.D. s’est contenté ce soir-là de 46 points.

Si individuellement, il devient une grosse star, collectivement, la réussite n’est pas au rendez-vous. Ses 4 premières saisons au Jazz se soldent par un échec pour la qualification en playoffs. Des critiquent fusent alors sur son manque de leadership et de win-attitude. Son jeu est aussi critiqué, Dantley aime scorer et on lui reproche un certain égoïsme. Son envie en défense est aussi source de critiques. Justifié ou non, tout cela relève un certain malaise, une certaine frustration, de retrouver le meilleur attaquant de la league dans une équipe faiblarde.

A.D aux Pistons

A.D aux Pistons

Le destin de l’équipe change lors de la saison 1983-84. Frank Layden est le GM/Coach depuis 2 ans et parvient à insuffler un nouvel esprit à la franchise. Malheureusement, sa première saison coïncide avec une grave blessure au poignet de Dantley, qui manque 60 matchs.

Revanchard, il revient avec 30.6 points par match, obtient le défunt titre de Comeback Player of the Year (plus beau retour) et le Jazz a, pour la première fois, un bilan positif (45-37) et décroche sa première qualification en playoffs. D’un coup, des talents se révèlent, Dantley est le meilleur scoreur de la league, Rickey Green le meilleur intercepteur, Mark Eaton le meilleur contreur et Darrell Griffith le meilleur shooteur à 3-points.

Frank Layden, Coach et Executive of the Year en 1984, déclara dans le Salt Lake Tribune:


« Nous l’aimons. Il est notre piranha. Il vous mange vivant. Il scorerait encore sous une pluie battante.»


1984, le Jazz entre dans la cour des grands, ils affrontent une machine offensive, les Denver Nuggets. Plus complet, le Jazz remporte la série en 5 matchs (3-2) mais s’incline au tour suivant, face aux Suns. Les deux saisons suivantes sont du même acabit, Dantley continue de scorer, le Jazz continue d’aller en playoffs sans faire de vague…

Mais les relations entre l’ailier vedette et son coach commencent à se dégrader. Salt Lake City n’est plus assez grand pour les deux hommes, la collaboration devient impossible et un trade parait rapidement inévitable.

Le 21 août 1986, il est envoyé à Detroit en échange de Kent Benson et Kelly Tripucka. Une page se tourne, le Jazz va commencer l’ère Stockton/Malone et Dantley, jeune trentenaire, va faire partie d’un nouveau projet à succès, les Pistons late-80s, avec Isiah Thomas, Joe Dumars, Vinnie Johnson, Bill Laimbeer ou encore Dennis Rodman. L’équipe va entamer sa période la plus glorieuse depuis les années 60.

Durant 2 saisons, Dantley plante plus de 20 points par match et aide son équipe à progresser jusqu’aux finales NBA ’88. Face aux Lakers, il réalise un Game 1 d’anthologie, 34 points, 14/16. Mais les Pistons sont finalement battus en 7 matchs!

A.D. n’a jamais été aussi proche du titre. En février 1989, il est transféré à Dallas pour le col bleu Mark Aguirre. Ironiquement, les Pistons remportent le titre 3 mois plus tard. Comme 10 ans auparavant avec les Lakers, Dantley manque le titre à cause d’un transfert. Mais ces franchises auraient-elles été titrées avec Dantley ? On ne refait pas l’histoire…

Il termine donc sa saison à Dallas où il score 19.2 points par match. L’année suivante, il contracte la seconde grave blessure de sa carrière, une fracture au tibia droit, qui l’éloigne des parquets durant de longs mois. Les Mavs décident de ne pas prolonger son contrat. Plus d’un an plus tard, il signe aux Bucks où il joue 10 matchs pour 5.7 points par match. Sa carrière NBA s’achève sur cette pige.

A 35 ans, il traverse l’Atlantique et effectue une année réussie à Milan. Il score 26.7 points à 59.3% mais ne remporte pas de titre.

Devenu assistant au sein de nombreuses équipes (notamment aux Nuggets), il est revenu au centre de l’actualité ces dernières années car, malgré ses stats, il n’était ni au Hall of Fame, ni honoré par ses équipes (en particulier le Jazz) Aujourd’hui, ces questions ne se posent plus, le #4 de Dantley a été retiré à Utah le 11 avril 2007 et, un an plus tard, le 7 avril 2008, on apprenait qu’il allait intégrer le Hall of Fame en septembre 2008, 16 ans après sa retraite…

Sa fiche

  • Né le 28 février 1956 à Washington D.C
  • Poste : SF/SG
  • Taille : 1.98m
  • Poids : 94kg
  • High School : DeMatha Catholic à Hyattsville
    (Maryland)
  • College : Notre Dame
  • Draft : 6e position par les Buffalo Braves en 1976

Franchises :

  • Buffalo Braves (1976-77)
  • Indiana Pacers (1977)
  • Los Angeles Lakers (1977-79)
  • Utah Jazz (1979-86)
  • Detroit Pistons (1986-89)
  • Dallas Mavericks (1989-90)
  • Milwaukee Bucks (1991)
  • Breeze Milan (1991-92)

Palmarès

  • All-NBA Second Team (1981, ’84)
  • NBA Rookie of the Year (1977)
  • NBA Comeback Player of the Year (1984)
  • NBA All-Star (1980, ’81, ’82, ’84, ’85, ’86)
  • Médaillé d’or olympique (1976)

Stats en carrière

  • Points : 23177 soit 24.3 par match à 54% et 81.8% aux LF.
  • Rebonds : 5455 soit 5.7 par match
  • Assists : 2830 soit 3 par match
  • Matchs : 955, 73 en playoffs.

Ecrit par:

Jérôme

2 Commentaires

  1. Jérôme -  5 janvier 2015 - 15:57

    Ah, t’as enfin trouvé comment changer l’auteur tout seul 😆
    J’ai toujours apprécié ce gars, gros scoreur, très efficace mais jamais au bon endroit au bon moment. Il aurait pu gagner deux titres… dans un monde idéal.

    Répondre
    • N.K -  5 janvier 2015 - 18:46

      L’option est apparue comme par magie :p Je ne pose plus de questions, han!

      Il n’est pas le seul à finir sans titre….

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre Email ne sera pas publié. Les champs obligatoires sont indiqués (obligatoire):

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Revenir en haut