Bob Cousy
Bob Cousy est un précurseur. Au début des années ’50, il apporte une nouvelle dimension au basket : le spectacle. Il est le premier à allier flashy et efficacité. Leader et cerveau des Celtics pendant 13 ans, passionné, intense à chaque minute, il est souvent considéré comme le meilleur joueur de sa génération — le débat est souvent ouvert avec George Mikan.
New York State of Mind
Né le 9 août 1928 à New York de parents français, il grandit dans un ghetto de l’Est de Manhattan. Sa jeunesse est marquée par des petits délits et une chute d’arbre à l’âge de 13 ans qui lui casse le bras droit. Déjà adroit un ballon de basket à la main, il n’abandonne pas ce sport et profite de cet accident pour manier le ballon de la main gauche. Non retenu dans l’équipe de son école deux saisons de suite, Bob Cousy parvient à ses fins. Le coach Lou Grummond avait fini par voir ce gamin ambidextre sur un playground voisin et il lui manquait un meneur de jeu.
Un an et demi, Bob Cousy devient une attraction. Pas grand, pas costaud, mais terriblement adroit, le jeune meneur est le meilleur scoreur des lycées new yorkais lors de son année senior. Malgré l’intérêt des universités de Big Apple, notamment St.John’s, il décide de continuer sa scolarité à Holy Cross, dans la banlieue de Boston. À une époque où la mode est à la passe à dix et au tir à deux mains, Bob Cousy semble presque trop en avance sur son temps. Il joue une année dans l’équipe freshman — la règle à l’époque en NCAA — puis devient le meneur titulaire de l’équipe première d’Holy Cross.
Cependant, Coach Alvin « Doggie » Julian trouve le jeu de son meneur trop risqué et limite son temps de jeu. Bob Cousy envisage alors un retour à New York mais, ironiquement, Joe Lapchick, le coach de St. John’s, l’incite à rester dans le Massachusetts. Son sort change lors d’un match joué au Boston Garden contre Loyola. À 5 minutes du gong, les fans chantent ‘We want Cousy !’ et Coach Julian cède à la pression populaire. Bob Cousy score 11 points dont le buzzer-beating, un hook main gauche après un drible dans le dos. Sa carrière universitaire est lancée. Il termine son année senior à 19.4 points par match et une place dans la All-American Team. Holy Cross remporte cette année-là 26 matchs consécutifs et termine deuxième au NIT.
Auerbach says NO
Les Celtics ont l’opportunité de le récupérer via un territorial pick ou le premier choix de la draft ’50. La franchise a un nouveau Head Coach, Red Auerbach, et reste sur une saison à 22-46. Mais le coach n’en veut pas et préfère prendre Chuck Share, un pivot de 2.10m qu’il échangera sans avoir porté les couleurs vertes pour Bill Sharman. La presse locale est furieuse, Red Auerbach la renvoie dans les cordes sans ménagement.
Red Auerbach : Nous avons besoin d’un joueur de grande taille. Des petits, il y en a des douzaines. Je suis là pour gagner, pas pour courtiser les péquenauds du coin.
Bob Cousy est alors retenu en troisième position par les Tri-Cities Blackhawks qui vendent ses droits dans la foulée aux Chicago Stags. Seulement, la franchise quitte la NBA et les 3 meilleurs joueurs sont proposés aux 3 équipes les plus faibles de la league. Bob Cousy est dans ce pool mais les Knicks, Warriors et Celtics veulent Max Zaslofsky, le meilleur scoreur de la saison précédente. Le meneur rookie est laissé à la troisième équipe, les Celtics. Red Auerbach n’en voulait pas, il devra composer avec. Au moment de négocier son contrat, les relations se tendent encore une fois. Cooz demande 10 000$ par an. Un accord est trouvé autour de 9000$.
Même si Red Auerbach tarde à reconnaitre son erreur, Bob Cousy donne le sourire à sa direction. Les fans sont attirés par ce meneur au style unique. Les dribles, passes, circus shot et feintes de Bob Cousy remplissent petit à petit le Boston Garden. Les Celtics réalisent enfin leur première saison positive (39-30). Son tandem avec Ed Macauley (20.4ppg) fait merveille. Bob Cousy (15.6ppg-4.9apg) n’a pas l’opportunité d’être rookie of the year, l’award ne sera introduit qu’en 1953.
Bob Cousy (21.7ppg-6.7apg) réalise une saison sophomore de haut niveau. Mais sa légende débute réellement l’année suivante. Avec 7.7 assists, il mène la league dans ce domaine. Une moyenne d’autant plus exceptionnelle qu’il faut la mettre dans le contexte pré-horloge des 24 secondes. L’équipe joue à fond la contre-attaque et remporte 46 matchs. En playoffs, le meneur des Celtics signe un match référence contre les Syracuse Nationals. Malgré des douleurs à une jambe, Bob Cousy score 25 points dans le temps réglementaire, dont le point de l’égalisation sur la ligne des lancer-francs dans les dernières secondes.
En prolongation, il score 6 points dont, encore, un lancer-franc égalisateur. Il ajoute 4 points dans l’OT2 puis 8 dans l’OT3 avec encore un tir égalisateur à plus de 7 mètres à 3 secondes de la sirène. Le dénouement se passe finalement dans l’OT4 avec 9 nouveaux points du PG. Au total, il score 50 points dans une victoire 111-105. Le match a duré 3h11, Bob Cousy a joué 66 minutes et termine à 30/32 aux LF et 10/22 au tir. Au tour suivant, les Celtics sont éliminés pour la troisième année consécutive par les Knicks.
En 1954, Bob Cousy crée le NBPA, le syndicat des joueurs NBA dont il sera le premier président jusqu’en 1958. Il s’agit alors du premier syndicat de joueur dans une grande league américaine. Son but premier était d’établir un salaire minimum, une assurance santé pour les joueurs blessés et des pensions de retraite.
Une dynastie à Boston
Les années suivantes, les Celtics continuent à être performant mais il manque un petit quelque chose. En l’occurrence, un pivot, qui arrive en 1956 en la personne de Bill Russell. La saison 1956-57 est une réussite : 44-28, Bob Cousy est élu MVP et termine meilleur passeur (7.5apg) de la NBA. Il score 20.6ppg et forme avec Bill Sharman (21.1ppg) le backcourt le plus explosif du basket. En playoffs, les C’s remportent leur premier titre NBA face aux Hawks de Bob Pettit. La série s’est jouée en 7 manches et le G7 s’est terminé en double prolongation.
Les Celtics perdent le titre en 1958 avant d’enchainer 8 titres consécutifs. Bob Cousy participe à l’aventure jusqu’en 1963 et gagne donc 6 bagues au total.
Tom Heinsohn : Bob Cousy était un maitre absolu en attaque. Ce que Bill Russell était en défense, Cooz l’était en attaque, un magicien. Une fois qu’il avait la balle en main, nous n’avions qu’à courir et à ne jamais regarder derrière. Nous n’en avions pas besoin. Il nous trouvait. Quand tu avais une position, la balle arrivait.
Bob Cousy est alors le meneur de jeu ultime, la rampe de lancement de l’attaque la plus prolifique de la league. Il est le premier à tant incarné ce job de meneur de jeu tel que nous le connaissons aujourd’hui. Spectaculaire oui, mais jamais au détriment du collectif. Son arsenal de passes ne sera égalé que 30 ans plus tard par Magic Johnson. Enfin, lorsqu’il n’arrivait pas à trouver un partenaire libre, il était capable de tirer à mi-distance, voire longue distance ainsi que d’attaquer le cercle.
Dans une league plus restreinte, les stars étaient plus concentrées dans les différentes équipes de la league. Mais aucune équipe n’a réussi à créer un collectif plus homogène que les Celtics. À 35 ans, Bob Cousy prend sa retraite après 13 saisons où il a toujours été All-Star (dont 2 fois MVP, en 1954 et ’57). De plus, il a squatté durant 10 saisons la All-NBA First Team (1952-61), puis la All-NBA Second Team en 1962 et ’63. Il tourne en carrière à 18.5 points, 7.6 assists et 5.2 rebonds.
Walter Brown : Les Celtics ne seraient pas là sans lui. S’il avait joué à New York, il serait aussi populaire que Babe Ruth.
Il ne reste pas longtemps inactif puisque durant l’été il accepte le poste de Head Coach de Boston College. Il y reste 6 ans pour un bilan de 117-38. En 1969, il prend les rènes des Cincinnati Royals avec qui il joue même 7 matchs essentiellement pour médiatiser l’équipe malgré ses 41 ans. Il dirige l’équipe durant 5 saisons (141-209) et forme Nate « Tiny » Archibald, drafté en 1970 et qui fera le bonheur des Celtics quelques années plus tard. Lorsqu’il quitte les Royals, qui ont déménagé à Kansas City entre temps, il dirige l’American Soccer League de 1974 à 1979 puis s’installe comme commentateur des matchs des Celtics.
Naturellement, son numéro 14 est retiré aux Celtics. Il entre au Hall of Fame en 1971 et fait partie des équipes anniversaires de la NBA pour ses 25e, 35e et 50e anniversaires. En 2006, ESPN le liste comme le 5e meilleur meneur all-time en précisant qu’il était « en avance sur son temps avec sa technique et ses passes ».
1 commentaire
Je reste mort de rire face aux circonstances de son arrivée à Boston. Auerbach n’en voulait pas, il a tout fait pour ne pas l’avoir et au final, ils gagnent des titres ensemble.
C’est beau quand même 🙂