Révolution statistique en NBA, le Moneyball se répète-t-il?
Tout analyste qui se respecte sait où chercher matière à ses ouvrages/articles mais surtout, dépend d’un système comptable établi par la National Basketball Association. Partant de ce constat, difficile d’avoir un œil autonome vis-à-vis des performances des équipes et des joueurs, la dépendance est le maitre-mot. C’est d’ailleurs le cas dans la plupart des sports majeurs, mais l’année dernière, un film tiré d’une histoire vraie a vu le jour et connu le succès: Moneyball ou « Le Stratège ». Un retournement de perspective de toute la vision de la MLB par un petit génie mathématique. Il se pourrait bien qu’un Moneyball en NBA ait lieu avec le Dr.Wayne Winston.
Point of view
C’est Bryan Chu, sur Yahoo! Sports qui décortique cette nouvelle approche de la comptabilité statistique qu’apporte le Dr.Winston. Ne sous-estimez pas ces facteurs-là car de beaucoup dépendent toutes les stats accumulées soir après soir, pour faire le buzz, pour mettre en exergue des joueurs aux qualités hors du commun etc….La statistique est le pendant numéraire des règles, si l’on y change une catégorie, une façon d’interpréter ou de mesurer les performances, l’impact est immédiat. Ici, on nous présente mieux, c’est un changement de paradigme, rien que ça.
On nous explique que Winston est professeur des opérations et décisions en matière de technologie à l’Ecole de Commerce Kelley, dans l’Indiana. A moins de trois semaines de la March Madness, il compile ses tableurs Excel pour analyser l’équipe des Indiana Hoosiers. Il en fera aussi une sur les Knicks car désormais, des équipes font directement appel à lui, son impact serait équivalent à celui du Sabermetrics en plus puissant encore.
Mark Cuban: A l’évidence, il a aidé à une révolution des analyses statistiques en basket. On travaille avec lui depuis 12 ans et ils nous prouve, année après année, que sa méthode fonctionne.
L’homme vient d’une famille qui excelle dans les études, il n’était entouré, avec ses parents et le reste de sa famille, que de doctorants et autres professeurs d’université mais il est le seul à s’intéresser au sport. Plus jeune, il jouait déjà au « dés de baseball », un jeu impliquant des dés, des calculs mathématiques dans les règles de la MLB; il s’amuse également à faire des divisions compliquées, de tête, sur le taux de réussite des batteurs en MLB, Bryan Chu lui demande alors s’il peut toujours le faire, réponse immédiate: « 122 sur 385, 0.316″ juste bluffant. Le pédigrée académique de l’homme est également élogieux: diplômé de mathématiques au M.I.T (Massachusetts Institute of Technology) en 1967, doctorat en recherches opérationnelles à Yale en 1971.
En 1975, l’équipe du M.I.T lance un programme DOS de simulation de basket universitaire, nommée HOOPS. En 1998, ils créent l’entreprise WINVAL, qui sert à d’évaluation systémique du basket. Et leurs premiers gros clients, comme dit précédemment, seront les Dallas Mavericks. Winston marche en duo avec un de ses compères, Sagarin, qui excelle aussi dans les mathématiques et adore le sport.
En coulisse
Les Mavs ne sont pas les seuls, on parlait également des Knicks qui reçoivent un rapport complet par mail de la part de Winston pour tout leur staff technique, après chaque match. Dans ces rapports, Winston inclut des analyses sur chaque joueur évalués sur 48 minutes, que lui et son collègue calculent avec le « +/- » brut, ajusté par les adversaires et la solidité de celui-ci. Ils incluent également des combinaisons de starting line-up, les plus efficaces, les moins réussies en mettant en exergue l’impact de chaque joueur par quart-temps en comparaison du joueur NBA moyen, excluant le garbage time de ces calculs.
Il prouve un soir de la saison 2012/13, aux Knicks, que Carmelo Anthony est beaucoup plus efficace au poste de PF que sa position naturelle, SF. L’information venant, les NYK font un beau début de saison (18-5), pas que ce soit le seul facteur mais ça aide. Le chercheur identifie également une rotation rarement utilisée par Mike Woodson: Prigioni-Shumpert-JR.Smith-Novak et Stoudemire. Le 2 février, alors qu’ils subissent un cinglant 18-6 contre les Kings, les New-Yorkais décident de tester la nouvelle combinaison, boom, 40-4! Naturellement, le staff des Knicks a travaillé, testé aux entraînements toutes ces informations, l’important ce n’est peut-être pas seulement le renseignement mais la façon de l’utiliser.
Winston prodigue aussi quelques conseils gratuits, en parlant notamment des Lakers. En effet, selon ses calculs, Earl Clark s’efface en seconde mi-temps alors qu’un lineup constitué de Nash-Meeks-Bryant-MWP et Howard serait plus efficace. Exemple de tableau tiré directement de l’article disponible sur ce lien et celui-ci .
Plus encore que ses analyses, il n’ est pas rare pour lui de recevoir des mails de GM de toute la NBA pour savoir si un joueur est un bon fit ou non dans le roster.
Wayne Winston : Je me sens vraiment bien dans cette position. Je n’étais pas un très bon joueur de basket mais de savoir, que j’ai maintenant un véritable impact sur le monde du basket me rend heureux, je suis meilleur dans ce rôle.
Les Knicks, les Mavs, qui d’autre? Les Hoosiers pardi, la NCAA! Coach Tom Crean donne son avis:
Tom Crean : Il nous a donné un sacré coup de main. Wayne vient dans le groupe et dans la classe de lui-même et quand vous avez quelqu’un qui suit votre équipe minutieusement, en prenant attention à tous les postes en fonction de votre philosophie de jeu, c’est primordial.
Tom Crean ne s’embarrasse pas, il utilise Winston à foison, avec des graphiques sous les yeux pendant les entraînements et les évaluations des joueurs. Là où l’outil devient vraiment perfide, c’est que les analyses demandées par le coach ne concernent pas uniquement son équipe mais également tous ses adversaires.
Tom Crean : Wayne nous emmène à un autre niveau d’intelligence. Quand il commence à s’intéresser à nos concurrents, il trouve leurs forces et faiblesses sans souci. C’est évident, avec Wayne, on sait quelles combinaisons aligner et on aligne notre game plan sur ses précautions
Mark Cuban : C’est le Geek ultime. C’est pourquoi on s’entend si bien, je me dépeins dans le monde de Wayne
Côté business, l’homme est aussi présent. Ses modèles et techniques de calculs sont repris par des dizaines d’entreprises: Microsoft, Cisco, Intel etc… En plus de tous ces projets, Winston est un fan de …ligue fantasy! Il joue à l’ « Ultimate Fantasy Payout », une FL en ligne qui vous fait jouer dans une ligue de 10 joueurs dont 9 sont des intelligences artificielles. Le site est en test par ici et l’algorithme fût créé par Winston lui-même. Et ce n’est pas facile de battre le CPU de Winston:
Wayne Winston : Les schémas arithmétiques en place fonctionnent vraiment très bien. Pour faire simple, on se débrouille plutôt bien contre des joueurs humains, ils ont 10% de chance de l’emporter et pourtant ce pourcentage n’est jamais atteint, il diminue.
Au final, toutes ces recherches n’ont pour but que le sport par l’analyse mathématique, la question devient épineuse quant à savoir ce qu’en font les équipes professionnelles. Winston a même reçu un prix de la part des Saint Louis Rams (NFL) pour qui il a réalisé un algorithme prédisant le succès de joueurs à la draft NFL. En l’utilisant de cette manière, les Rams veulent qu’il découvre le nouveau Peyton Manning plutôt que le Ryan Leaf, ou, en NBA, distinguer le Kwame Brown du Dirk Nowitzki.
Cette façon d’analyser le sport uniquement à travers le prisme des statistiques a changé beaucoup de choses dans la manière de recruter des joueurs ou de les faire jouer ensemble. Aujourd’hui, un scout NBA est aussi fiable que les informations qu’il peut traiter sur les joueurs qu’il étudie et cela se fait bien en amont des considérations d’éthique, de qualités athlétiques ou de vie privée. C’est ce changement qu’a apporté le Dr. Winston. Vous pouvez retrouver une interview récente de sieur Winston par ici.
Aujourd’hui, NBA.com est devenu une véritable mine d’information statistique, très poussées et avec des filtres toujours plus précis, un petit détour en cliquant sur ce lien pour vous laisser apprécier le travail.
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