Le rôle de la fatigue en NBA
Avant de s’adonner aux joies des previews pour les playoffs ainsi que des awards de fin de saison, article à thème, récurrent pour l’occasion: la fatigue en NBA. Plus que jamais, cette année aura prouvé que les joueurs semblent de plus en plus touchés par les « ending season injury » (Horford, Rose, Anderson etc…) et la fatigue, plus généralement, faisant perdre pied à certaines équipes comme les Pacers. Alors, phénomène exagéré ou normal?
L’impact de la fatigue
Nous ne traiterons pas spécifiquement du sujet des blessures, ce sera un fil rouge à travers l’analyse du problème de la fatigue et du conditionnement des joueurs en relation avec leurs performances sur le terrain. Si néanmoins, le sujet de la « durabilité » d’un joueur NBA vous intéresse, une étude d’un ingénieur américain s’avère très intéressante sur le sujet.
A titre liminaire, il nous faut pointer un fait statistique avéré: les joueurs de NBA qui jouent le plus sont souvent dans des Winning Team, cette saison, il n’y a que Carmelo Anthony qui déroge à la règle:
A priori, plus on joue, plus on a de chances de faire partie d’un effectif stable et donc ayant une certaine réussite. Une étude empirique a été menée pour le Journal of Sports Economics et publiée en 2010 afin de connaître l’impact de la fatigue sur les équipes en fonction du fait qu’elles jouent à domicile ou non, et qu’elles aient des back-to-back games (deux matchs en 2 jours). Des études précédentes ont montré que jouer à domicile était un avantage déterminant car cela permet aux joueurs de se reposer et de ne pas avoir à payer physiquement/moralement les coûts de transport (on rappelle que les Etats-Unis sont divisées en « Time Zone » vu la grandeur du pays). Cependant, cet avantage est perdu quand les visiteurs ont eu un à deux jours de repos en plus (étude réalisée sur 19 ans de compétition).
Les chiffres corroborent cette relation entre la fatigue et la forme de l’équipe: si les visiteurs jouent leur 2nd back-to-back tandis que l’équipe à domicile s’est reposée 1-2 jours, cette dernière a 50.6% de chance de l’emporter. Durant l’étude d’Entine et Small en 2008, les deux auteurs concluaient que la NBA avait, tous sports confondus, le plus large avantage de jouer à domicile: une équipe qui joue à l’extérieur dans un back-to-back game enregistre une différence de presque 2pts (1.77) par rapport aux équipes ayant eu du repos.
Le principal problème de la NBA réside dans l’exigence physique et psychologique des matchs, couplée à une saison de 82 matchs de 48 minutes entre 4 différentes Time zone et aucun moyen de minimiser ces déplacements (1 à 2 heures de repos perdues par voyages entre Est et Ouest). L’avantage de jouer à domicile n’existe même plus quand la fatigue est exacerbée, c’est-à-dire lorsque l’équipe des visiteurs s’est reposée 1-2 jours, le pourcentage de victoire est de 42.35%, si elle s’est reposée plus, ce taux de victoire tombe à 30.95%. Cette étude ne s’est pas penchée sur d’autres facteurs de fatigue tels que les matchs en prolongation et leur impact, notamment sur les back-to-back games.
Cette saison, les Nets ont connu une série de 3 matchs en 4 jours qui se sont terminés en prolongation, ils en ont perdu 2 d’entre eux, alors que tous se jouaient à l’extérieur, des conditions extrêmement défavorables, donc.
Rapport tendanciel à la blessure
Une autre étude, plus spécifique aux blessures, a démontré que la fréquence de lourdes blessures – notamment les fractures de stress et les ligaments croisés (ACL) – sont plus récurrentes en fonction du nombre de minutes jouées:
Cela n’a pas empêché le médecin en chef des Mets et consultant pour la NBA de dire à l’AP qu’il n’y avait aucune relation entre les deux:
Il n’y a pas de preuve concrète expliquant que trop jouer provoque de lourdes blessures. En fait, plus vous êtes fatigué, moins vous avez de chance d’avoir une rupture des croisés car vous utilisez moins votre explosivité
Il y a clairement débat, puisqu’un chercheur, le Dr. Scott McLean (Directeur du laboratoire de biomécanique à l’Université de Michigan) a trouvé des preuves corroborant cette relation car la fatigue provoque des changements de mouvement au niveau corporel qui rendent vulnérables les athlètes, que ce soit avec ou sans un contact direct.
Ce serait naïf de dire que la fatigue ne joue pas un rôle, c’est même complètement faux, je pense que c’est un facteur déterminant. Ce n’est pas le seul, certes mais la fatigue a tendance à entrainer l’enchainement de mauvais mouvements et ceux-ci, sont à l’origine des blessures. Vos muscles se contractent lorsque vous atterrissez pour vous stabiliser, et lorsque ces muscles se fatiguent, ils ne peuvent plus vous stabiliser correctement. Si le tendon ne peut plus compenser cette sollicitation, c’est le ligament qui prend le plus de poids.
Dans son étude, McLean démontre un fait souvent occulté: la fatigue psychologique peut être à l’origine de blessures. Toujours dans son raisonnement: un joueur qui ne réfléchit plus en terme de mouvements, est plus lent et se met en danger. D’autres chercheurs se focalisent sur la perception du corps lui-même et la capacité du cerveau à calculer les facteurs de risque.
Spurs vs Pacers philosophy
Il n’en reste pas moins que concrètement, les équipes NBA doivent mettre en place des stratégies pour éviter les défaites et les blessures. Cette saison 2013/14 a une fois encore donné raison à la gestion de Gregg Popovich, qui préfère reposer ses starters et compter sur la profondeur de son banc assez fourni, pour garder des forces jusqu’en playoffs. En jetant un oeil aux nombres de minutes jouées du côté de San Antonio, on remarque qu’aucun joueur n’atteint les 30 minutes par match:
Une gestion qui contraste du tout-au-tout avec celle des Pacers. Indiana avait atteint le palier des 50 victoires avec brio, possédant la meilleure défense de la ligue et le meilleur 5 majeur. Puis, patatras, c’est la chute. Depuis le 1er mars, sur 22 matchs, les hommes de Frank Vogel n’ont enregistré que 10 victoires dont 6 contre Philadelphie, Boston et Detroit! Pire sur les 10 derniers matchs, ils ont perdu 7 fois. L’explication est simple: Indiana paie son manque de rotation: le 5 majeur des Pacers (Hill-Stephenson-George-West-Hibbert) est celui qui joue le plus et de loin dans toute la ligue:
Seul Portland peut se vanter de jouer presque autant et ils en ont payé le prix avec la blessure notamment d’Aldridge qui a manqué 7 matchs. Vogel a décidé de reposer tous ses titulaires jusqu’à la fin de la saison pratiquement, il ne les fera jouer que sporadiquement en fonction peut-être du 1st ou 2nd seed à l’Est, l’intensité défensive proposée par Indiana aura eu raison des corps et des esprits des joueurs. Dommage que le coach n’ait pas plus fait confiance à son effectif, comptant des Scola, Mahinmi, Turner etc…sur le banc.
Un autre coup de projecteur avait déjà été mis sur le rôle de la fatigue dans les performances des meilleurs joueurs, c’était le cas de Lebron James début mars. Souvenez-vous, il venait de planter 61 points contre les Bobcats avant de s’effondrer dans les 3 matchs suivant (58pts au total soit 19.3ppg), avec un 3/27 au shoot en dehors de la raquette et trois défaites. Le joueur avait blâmé la fatigue, il n’a pas le luxe du repos de D-Wade, c’est certain, ce dernier manque entre 15 et 20 matchs maintenant, pour se maintenir en forme.
Les rookies sont aussi touchés – on connait tous le « rookie wall », ce moment de la saison où les matchs deviennent trop long et trop éprouvants, touchant la forme du joueur. Le futur Rookie of the Year, Michael Carter-Williams, déclarait il y a peu:
Je n’ai jamais joué autant dans une saison, donc j’apprends chaque jour à gérer. Mon corps est fatigué, je le sens mais mentalement, je reste fort
De l’attrait des nouvelles technologies à Dallas
Toujours premiers sur l’innovation – déjà sur les statistiques – les Mavs ont introduit depuis 2012, une nouvelle technologie pour aider à gérer la fatigue des joueurs et à vérifier,les performances des joueurs en fonction de leur forme. Le communiqué de presse était assez lapidaire sur le sujet:
Les athlètes, coachs et entraineurs comprennent que des entrainements réguliers ainsi qu’une bonne diététique sont importants pour les joueurs
C’est l’entreprise « Fatigue Science » qui met au centre de l’équation le repos et le sommeil, une chose qui n’était pas analysée autrement que par le prisme des minutes jouées. Les Vancouver Canucks (NHL) utilisaient déjà le système: une bande virtuellement indestructible qui mesure tous les micro-mouvements dans le poignet afin de mesurer si le joueur dort ou est actif; y est inclus un F.A.S.T (Fatigue Avoidance Scheduling Tool) qui analyse les données et créé un rythme de sommeil adapté au joueur, en fonction de la période (en voyage, à l’entrainement, au repos etc…). On optimise donc jusqu’au sommeil des joueurs pour prévenir une perte qui peut aller, selon cette société, jusqu’à 10% d’efficacité.
La NBA, auréolé d’un nouveau système statistique ultra-complet, s’y adonne également en installent une « Player Tracking Technology » qui a débuté cette saison afin de mesurer la distance parcourue par les joueurs, leur vitesse etc…(cf. le 1er tableau de l’article). Des analyses seront disponibles pour les équipes et le conditionnement des joueurs, avec la mesure du sommeil et des rythmes cardiaques. Bien sûr, Dallas est toujours au top pour s’équiper de ces systèmes dans leur enceinte :
J.Holsopple: On peut vraiment réaliser des entretiens individualisés pour chaque joueur. Quand vous regarderez les équipes qui suivent ces stats religieusement et vivent à travers elle, elles vont s’améliorer et stabiliser leurs performances. On inculque une culture aux joueurs à présent, ils ont les informations, et savent ce qui est bien ou mal pour eux.
De l’étude empirique en passant par la gestion des équipes, les témoignages des joueurs et l’utilisation de données à haut volume, aujourd’hui, le facteur déterminant en NBA est bien la fatigue.
3 Commentaires
Super papier, très riche.
Le Dr. Scott McLean aurait même pu ajouter à son propos (faisant suite à ceux scandaleux du doc en chef des Mets -MLB-) ; que le tendon, contrairement aux muscles, ne peut pas se renforcer afin d’être plus résistant, il reste tel quelle.
S’il était possible de le musclé, il y aurai moins de ligaments rompus, déchirés.
Aussi, j’aimerai savoir, même si je n’aurai sans doute pas de réponse… puisque la question est très tabou en NBA : Quelle rôle le dopage joue t-il dans toutes ces fatigues…???
Hhaa N.K, juste un chose que je n’ai pas bien saisie : » : un joueur qui ne réfléchit plus en terme de mouvements « ….c’est à dire ?
Merci d’éclairer ma lanterne 😉
Pour le dopage, aucune idée mais ce papier éclairera peut-être ta lanterne. C’est une bonne idée d’article néanmoins, je me garde ça sous le coude :p
http://espn.go.com/blog/truehoop/post/_/id/51305/gaps-in-nba-drug-testing
Quand il parle du joueur qui ne réfléchit plus en terme de mouvements, c’est qu’il ne fait plus attention au placement de son corps et aux gestes qu’il entreprend, tout cet inconscient/conscient des gestes à effectuer pour se placer, pour driver, pour prendre un rebond etc…moins tu prêtes attention à l’exécution de ces gestes, moins tu es précis et plus sujet à blessure quand tu retombes, par exemple.
Ok, je vois.
Super le lien ! Merci.