De l’imbroglio des blessures lourdes en NBA

S’il est un domaine très obscur aux yeux des médecins et des insiders NBA, c’est bien le phénomène supposé de recrudescence des blessures en NBA et particulièrement des blessures graves. Cette problématique a fait naitre plusieurs questionnements sur le « bon nombre » de matchs pour la santé des joueurs avant la saison 2014/15, alors, fantasme ou réalité?

Tough Guys

La première difficulté pour étudier ce sujet concerne les ressources et différentes statistiques, études à disposition. Les chiffres sont très bien gardés, aucun des grands sites généralistes tels que NBA.com ou Basket-Réference n’ont d’onglet spécifique pour évaluer le nombre de blessures, leurs gravités etc. On retrouve uniquement un listing, la fameuse « Injured List » qui suit au jour le jour les différentes blessures par équipe de la saison.

Face à ces lacunes, il m’a fallu improviser en prenant en compte le raisonnement inverse : ne plus penser aux nombres de matchs manqués par les joueurs mais plutôt aux nombres de matchs joués en saison. Il faut encore pondérer cette recherche en ajoutant deux caractéristiques, on s’intéresse aux joueurs ayant joués 50 matchs et moins de la saison 2004/05 à la saison 2014/15 et jouant plus de 25 minutes en moyenne par match. Par nécessité, donc, on étudie grosso modo combien de joueurs clés manquent 30 matchs et plus chaque année, ceci n’incluant évidemment que ceux qui ont « effectivement joués », et éludant par exemple, un Paul George qui se blesse pour toute la saison durant un match d’exhibition à l’été.

Encore une fois, ce graphique est à prendre avec des pincettes et ne permet que d’effleurer le sujet pour avoir une idée du nombre de blessés par an :

nb de joueurs blessés

Globalement, on a donc affaire à une régularité dans cette constante. Une seule année sort du lot, c’est la saison du lock-out de 2011/12 où 42 joueurs ont manqué plus de 30 matchs. Cependant, cet épiphénomène ne reflète pas une vérité générale car les joueurs ne jouant que 41 à 50 matchs dans l’année représentent 39% des blessures et ceux ayant joué entre 31 et 40 matchs 26%, soit la majorité des cas entre 31-50 matchs joués. Un joueur manquera donc entre 30 et 50 matchs, signe que les blessures sont assez bien traitées (seulement 10% de ces joueurs frôlent le parquet pour 10 matchs ou moins).

A la question, les blessures graves sont-elles plus présentes, cette statistique – aussi bancale puisse-t-elle être, je le répète – nous montre que non. D’ailleurs, en retirant l’année du lock-out des stats, le nombre de blessures chute de deux points en moyenne. Le site de référencement statistique TeamRanking titrait d’ailleurs cette incongruité : « Le Lock-out augmente le nombre de blessures » suite à une analyse statistique d’un doctorant de l’Université de Duke. La raison de cette recrudescence des blessures par match/jour est simple : les joueurs ont subi plus de matchs dans une saison très compacte en terme de calendrier.


L’Acronyme de la peur : A.C.L

Constatant que les blessures restent régulières en nombre, il nous faut nous intéresser à l’amplitude de celles-ci car après chaque match, un nombre très conséquent et variable de petites, moyennes ou grosses blessures sont rendues publiques.

Un joueur se foulant la cheville peut manquer une deuxième mi-temps par précaution, d’autres en souffriront quelques temps (Steph Curry a eu des soucis à ce niveau en début de carrière), et les plus malchanceux connaitront le verdict rapidement. Généralement, toutes les blessures touchant au genou font craindre les pires pronostics et plus spécifiquement une rupture des ligaments croisés, ou le tampon « 6 mois de convalescence minimum » apposé sur le carnet de santé du joueur, si tout se passe bien.

Une étude très sérieuse conduite en 2010 par Sports Health démontre que les chevilles foulées sont les blessures les plus fréquentes (13%) avec divers inflammations et des problèmes aux tendons. Cependant, les blessures les plus longues sont liées pour 17.5% des cas à la rotule ou au genou en lui-même.

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Ces dernières années, les stars de la NBA ont été particulièrement visées par des problèmes de genou, on citera pêle-mêle Al Jefferson, Derrick Rose, David West, Rajon Rondo, Rubio etc… Le médecin John O’Brien confiant au BleacherReport son point de vu sur la situation : le jeu de la NBA devient de plus en plus physique et explosif, la tension sur les tendons atteint des paroxysmes pour certains joueurs et au moindre faux pas, ou mauvaise réception, le scénario catastrophe peut s’enclencher.

O’Brien : Les structures musculaires et les muscles eux-mêmes ont beaucoup changé ces vingt dernières années, pas vraiment leurs jointures. Ces blessures sont directement corrélées au « HangTime », quand le joueur est haut dans les airs, la situation devient tout simplement imprévisible car, au sol, l’impact est souvent non-voulu par le joueur, sa réception est « naturelle ».

En 2012, un autre médecin, chirurgien à Chicago, confie son analyse sur la tendance à la hausse supposée de ce type de blessures lourdes :

Il n’y a aucune preuve tangible permettant de faire un lien entre un nombre de matchs trop élevé et les ruptures de ligaments croisés,  tous  sports confondus

Les avis sur un sujet aussi épineux peuvent tendre à se contredire, le chirurgien de Chicago affirme par exemple que la fatigue aiderait en évitant que les joueurs soient explosif, que les tendons soient trop sollicités. Un article dans Sports Health plus tard, on apprend que sur les 64 cas lourds étudiés entre 1975 et 2012 d’ACL, 40% ont eu lieu dans le 4ème quart-temps d’un match;  deux tiers des cas sont concentrés en seconde mi-temps, tendant à prouver que la fatigue a un rôle à jouer.


La prévention au cœur de l’action

Ces deux dernières saisons n’ont pas coupé court à la polémique face au manque de solutions pour les équipes. Au mieux, peuvent-elles depuis le nouveau CBA demander une enveloppe de compensation pour signer un nouveau joueur en lieu et place du blessé lourd, ce qui est déjà un grand pas effectué dans la direction d’une prise en compte de ces absences. Miami a pu l’utiliser cette saison par exemple en perdant Bosh, les Lakers en perdant leur rookie etc.

bryant_ice_250En réalité, la différence de traitement pour les joueurs dépend de leur entrainement et de la prévention de leur équipe à l’égard des comportements à risque. Certains ont gardé des mauvaises habitudes du collège ou du lycée, la formation officielle (AAU) est directement visée. Kobe Bryant avait lui-même fait une sortie remarquée sur le sujet en critiquant vertement le manque de fondamentaux des jeunes, et les spécialistes de l’entrainement physique sont d’accord. Sans oublier de mentionner que ce type de blessure laisse un choc psychologique dont certains joueurs ne sont jamais revenus.

Au final, devant le manque de preuve statistique prouvant qu’un fait ou un autre puisse causer ces ravages, les analystes, les chirurgiens et autres professionnels du conditionnement n’ont que des « recommandations » à avancer, de la prévention à utiliser. Eric Spoelstra (Coach du Heat) avoue son impuissance :

On s’inquiète. En fin de compte, il y a une incroyable imprévisibilité dans ce domaine donc on touche du bois, on croise les doigts.

Cette saison a même vu Teletovic et Chris Bosh en soin intensif, avec des caillots de sang dans les poumons qui pourraient, à terme, mettre fin à leur carrière. Le dernier mot, pour Shane Battier, un vétéran qui connait son sujet :

C’est un des grands mystère de notre sport. C’est une possibilité qui nous fait réfléchir, nous sommes à une cheville brisée de ne pas être champion, il faut rester humble dans ce sport

Ecrit par:

N.K

5 Commentaires

  1. Jérôme -  29 mars 2015 - 10:30

    Je retiens quand même que cette évolution vers toujours plus de verticalité est néfaste aux articulations.
    Les 82 matchs et les playoffs n’ont pas empêché Karl Malone de ne connaitre sa première blessure qu’à 40 balais. Les joueurs sont certainement trop cocoonés aujourd’hui et en oublient une partie du professionnalisme indispensable à une saison NBA.

    Répondre
    • Free_Eagle -  29 mars 2015 - 14:16

      Il est très curieux que la NBA ne fournissent pas plus de chiffres que ça…..
      Pour l’heure, je te rejoint : l’hygiène de vie limite déjà beaucoup les risques….les fondamentaux aussi.
      N’est ce pas Jordan qui un jour, ou cœur de sa gloire, disait qu’il continuer de quotidiennement travailler ses fondamentaux ?
      Karl Malone est un bon exemple, mais plus proche de nous, je pense à Duncan….
      Mettre au repos les joueurs 10 fois/an c’est un chose, mais Est-ce la solution ?…

      Répondre
      • N.K -  30 mars 2015 - 11:46

        En fait ce n’est pas du tout surprenant de la part de la NBA. Tout ce qui peut prêter le flanc à des changements et des négociations lors du CBA est généralement peu mis en lumière.

        Le pire ce doit être tout le volet finances en NBA, il y a une opacité extraordinaire.

        Ensuite sur l’article, je cherchais surtout à corroborer ce « sentiment » qu’on peut avoir ces dernières années sur une recrudescence des blessures et particulièrement les blessures lourdes. Or ca ne l’est pas, preuve qu’il peut y avoir derrière ce sentiment le vague soupçon d’une propagande ou désinformation.

        Il n’y a pas de vraie solution. En NFL on a vu les pats se faire dézinguer car au repos sur les 2 derniers matchs de SR. C’est du cas par cas, équipe par équipe, il n’y a que la prévention et la compétence médicale qui puisse faire office.

        Répondre
        • Jérôme -  30 mars 2015 - 19:18

          La prochaine fois faudra faire un article sur le staff médical des Suns qui a remis sur pied les Grant Hill ou Jermaine O’Neal, ou maintenu à un niveau d’excellence Steve Nash jsq à 40 piges.
          Allez part en reportage caméra au poing 😛

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          • N.K -  31 mars 2015 - 21:44

            Blague à part, ça m’a toujours étonné ces quelques franchises qui arrivent à revitaliser certains joueurs tandis que d’autres sont abonnés aux blessures. Si j’avais une base de donnée intéressante, j’aurais comparé le nombre de blessures par équipe (en fonction de leurs gravités) sur les dix dernières années histoire d’avoir un comparatif.

            Nul doute que certains seraient dans les bas fonds. Et vu le niveau de concurrence qui existe en NBA, ce genre de recette secrète (avec ou sans produits illicites) doit être bien gardée.

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