
Les arbitres NBA mis au pilori
Toujours prompt à donner son avis sur les évolutions que devrait connaitre la NBA, Mark Cuban s’est fendu en janvier d’une requête pour « plus de transparence vis-à-vis du corps arbitral et de ses coups de sifflet ». On connait le propriétaire des Mavs, déjà condamné à plusieurs amendes pour ses critiques véhémentes (notamment en playoffs) sur l’arbitrage; il était difficile de concevoir que depuis qu’Adam Silver est présent, Cuban réussit à faire passer ses messages.
CALL ME STAR-CALL
La stupéfaction est toujours grande, lorsque les insiders donnent le micro à un Cuban, désireux de faire partager ses idées de changement en NBA. Entre le Salary Cap, le format des Playoffs et autres « upgrade » qu’Adam Silver prépare, c’est à se demander si le proprio des Mavs n’est pas un employé au black de la grande ligue. A présent, le changement touche l’arbitrage. Ce n’est pas vraiment une chose nouvelle, évidemment, puisque les règles de transparence se sont durcies depuis quelques années sans faire de vagues.
Citons par exemple le nombre de « call » douteux qui ont été infirmés ou confirmés par les instances de la NBA après enquête des officiels. Ce type de pratique est devenue monnaie courante, certains arbitres sont déjugés, voire certains, interrogés en direct par ESPN/TNT and co, n’hésitent pas à dire qu’ils ont eu tort.
En rendant public de type d’information, en acceptant de se déjuger voire de se faire corriger par la suite, les arbitres ont créé une arme à double tranchant: d’un côté, leur honnêteté et crédibilité se voient en théorie renforcé, de l’autre, la transparence totale sur des décisions totalement discrétionnaires fragilise leur envie de « juger » des fautes douteuses et surtout, la multiplication de ces exemples tend à donner l’impression d’une augmentation significative des « fautes arbitrales ». En clair, il y a plus d’erreurs car on en trouve plus, pas parce qu’elles ont augmenté en nombre.
Prenons les deux exemples cités par le Daily Morning News : d’abord, une faute non-sifflée de Shawn Marion sur Kevin Love, la NBA confessera qu’il y aurait dû avoir deux lancers-francs pour l’ancien Wolf:
Puis, contre Dallas, une faute sur Austin Rivers non-sifflée et également déjugée par la NBA par la suite:
Mark Cuban est évidemment monté au créneau (Mavs dans les deux cas):
J’adore la transparence. Maintenant, il faut juste qu’ils aient le même niveau d’exigence sur les 47,55 autres minutes du match mais nous faisons des progrès. Bien sûr que les arbitres devraient avouer leurs fautes parce qu’une évaluation, c’est rendre responsable la personne de son travail et je pense que ces arbitres professionnels, veulent être fiers de ce qu’ils font, non? Les différentes évaluations évoluent saison après saison, en fonction des directives pour certaines choses qui doivent être sifflées ou non; ce serait bien de nous tenir au courant plutôt que de devoir découvrir du zèle sur des fautes tout d’un coup.
Rendre tout ça public, c’est mieux, pourquoi le cacher? Si vous ne me croyez pas, faites une recherche avec « NBA Refs » sur Twitter un soir d’affluence de matchs NBA et vous aurez là un potentiel de savoir en la matière. Plus nous serons transparents, plus nous serons proches de nos fans. Personne n’attend la perfection mais l’absence de transparence tend à prouver que vous cachez quelque chose. Ce ne sont pas les mauvais « call » arbitraux qui m’énervent au fond, c’est la communication faite après le méfait.
Le reporter ira même jusqu’à demander à Cuban si un système de « Challenge » comme en NFL, pourrait être mis en place. Venant du propriétaire qui a certainement la plus grosse ardoise en amendes auprès de la ligue, c’est toujours un peu cocasse. Ce qu’il dit peut faire sens, même s’il serait utile de mettre en place des garde-fou assez important pour garantir le niveau de transparence qu’il demande.
Quoi qu’il en soit, la NBA a décidé de rendre public les « rapports » concernant tous les coups de sifflet qui auront lieu dans ce qu’on appelle le « crunch » ou « money time », à savoir, les deux dernières minutes des matchs.
LES DEUX MINUTES DU PEUPLE
La NBA rendait déjà public certains rapports concernant les coups de sifflet en saison régulière, elle n’a pas non plus hésité à sanctionner le « Flopping » a posteriori; cependant, le pas est grand dans la révélation des fautes arbitrales ou non dans les moments les plus décisifs des matchs, a fortiori en playoffs.
A partir du lundi 2 mars, la grande ligue mettra en ligne des résumés « play-by-play » sur les coups de sifflet important, bons ou mauvais, des 2 dernières minutes, alors que ce type d’information n’avait pas exfiltré de l’organisation. Le lendemain de chaque match, une évaluation sera mise en place et un communiqué de la NBA sera rendu public. L’attention se portera sur les deux dernières minutes de chaque matchs se jouant à moins de 5pts d’écart et tout match allant en prolongation. Chaque action sera analysée et scrutée minutieusement par un « Senior Basketball Operation Manager ou Senior Referee Manager ».
Sorte de police des polices, ce corps sera désigné en interne tandis que les rapports rendus publics auront droit à un commentaire et des liens vidéos explicatifs.
Mike Bantom (Vice-Président Exécutif des Opérations Arbitrales) : Notre politique dans le passé a toujours été d’attendre qu’une controverse soit assez forte pour vraiment prêter attention à ce type d’erreurs, et nous ne pensons pas que cette approche soit pratique. C’était d’ailleurs injuste, donc nous avons essayé de mettre en place un système qui nous permettrait d’avoir un point de vu objectif de ces actions afin d’apporter une vraie standardisation des coups de sifflet, afin qu’ils soient plus constants et consistants.
Auparavant, nous commentions uniquement sur les erreurs faites, et c’est une chose que nous pensons injuste. Nous mettrons en lumière les bonnes décisions également sans cacher le fait que les arbitres sont des êtres humains et qu’ils feront, éventuellement, des erreurs. Au final, le public pourra constater qu’une majorité écrasante de coup de sifflets sont correctes.
De belles paroles qui ont subi un coup dur, dans la foulée, par la National Basketball Referee Association, qui tweete: « Nous n’avons pas participé à l’élaboration de ce processus et nous ne pouvons en juger l’efficacité qu’après son implémentation. » Une façon de dire que les arbitres n’ont pas été consultés mais que, considérant leur emploi important pour vivre, ils ne feront rien contre. Le coach des Clippers, Doc Rivers, s’est rapidement exprimé sur le sujet:
Ils ne sont pas parfaits. Je leur dirai quand ils font un mauvais boulot comme je l’ai toujours fait, je leur dis assez souvent et ils me renvoient m’asseoir sur le banc. Honnêtement, leur boulot est difficile et ils seront vraiment effrayés de sifflet à présent.
LE DÉSENGAGEMENT
La position de Doc Rivers semble plus réaliste que celle de l’idéaliste Cuban. Dans les faits, déjuger ses propres arbitres depuis quelques années était déjà une étape importante pour la NBA, mettre une focale sur le Money Time en est une autre. Ce n’était pas un manque de « transparence » en cause, qui supputerait des choses à cacher, des intérêts, des lobbys, pour telle ou telle équipe. En fait, la NBA donne ses arbitres en pâture aux lions médiatiques et n’assure plus la protection qu’elle leur promettait.
Il y avait comme tout sport majeur, des mécaniques de jugement interne et d’évaluation arbitral, c’est une certitude. Ceux-ci devaient épurer le jeu des mauvaises décisions sans jeter l’opprobre sur une certaine catégorie. Vous ne croirez peut-être pas les études qui sont conduites, et commandées sur le corps arbitral: deux économistes ont par exemple, en 2007, effectué une étude qui tend à démontrer que les arbitres NBA ne sont plus « racistes » de nos jours; une autre démontrerait que les arbitres de petite taille ont tendance à sifflet plus souvent que les grands etc…
L’année 2007 n’est pas anodine, c’était, pour ceux qui s’en souviennent, le scandale « Tim Donaghy », cet arbitre qui s’était corrompu au point de parier sur ses coup de sifflet et en retirer un bénéfice. Cette affaire a rudement ébranlé l’image (la chose la plus importante qui soit pour les officiels) de la NBA. Petit à petit, sous couvert de transparence et de reconstruction d’une image de marque, la NBA a donc mis au centre de l’attention l’arbitrage. Effectivement, il y a une grande différence entre la tricherie, le soutien dogmatique et inconditionnel des arbitres (Stu Jackson avec l’affaire Horry-Nash?) et le jugement rendu en place public de tous les coup de sifflet importants.
Nul doute que la position des hommes en noir et blanc se voit fragilisée, et que les « tweetos rageux » existeront toujours, rapport public ou pas, erreur admise (à moitié pardonnée?) ou pas…. La NBA réalise en fait un aveux de faiblesse: elle ne peut pas protéger ses arbitres et ne peut garantir par la même, les coup de sifflet d’aller dans la bonne direction et/ou de ne plus avoir de scandale. Les bouc-émissaires des prochaines salves de tweets de rage concernant tel ou tel call, seront uniquement les arbitres eux-mêmes. Intéressant, non?
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